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On parle de « loterie des bénéficiaires » lorsque vous laissez votre héritage au hasard

28 nov. 2025

Proud Grandfather Cuddling Baby Grandson at family dinner party

Avez-vous déjà entendu l’expression « loterie des bénéficiaires »? Probablement pas, à moins que vous ne travailliez dans le domaine de la planification successorale. Non, il ne s’agit pas d’un bénéficiaire qui gagne le gros lot au casino ou à la loterie. Il s’agit plutôt de bénéficiaires dont le sort est déterminé par l’ordre de décès. Cela peut se produire lorsque des conjoints souhaitent que celui qui vivra le plus longtemps profite des biens du premier décédé, mais qu’ils ont des volontés différentes quant à ce qu’il adviendra du patrimoine après le second décès.

Prenons l’exemple de Fred et de Louise, un couple. Fred a deux enfants issus d’une précédente relation, tandis que Louise n’en a pas. Ils se rendent chez leur conseiller juridique pour faire rédiger leurs testaments. Lors de la rencontre, Fred indique au conseiller juridique qu’il souhaite tout léguer à Louise. Le conseiller juridique lui demande ce qu’il adviendra si Louise décède avant Fred. Il répond qu’il souhaite tout léguer à ses deux enfants. C’est maintenant au tour de Louise de donner ses instructions au conseiller juridique. Elle demande au conseiller juridique de stipuler dans son testament qu’elle lègue tout à Fred et elle confirme qu’elle a déjà désigné Fred comme bénéficiaire de son assurance-vie, conformément à ses souhaits. Louise indique au conseiller juridique que si Fred n’est plus en vie, la succession de Louise doit être partagée entre ses propres frères et sœurs.

Après avoir pris note de leurs instructions, le conseiller juridique marque une pause, regarde Fred et Louise et dit : « Je ne sais pas si vous en êtes conscients, mais l’ordre de vos décès déterminera quels bénéficiaires hériteront de votre patrimoine lorsque vous ne serez plus là tous les deux. »

Fred et Louise sont perplexes et demandent au conseiller juridique ce qu’il veut dire, puisqu’ils laissent tous deux leur succession aux bénéficiaires qu’ils souhaitent avantager. Le conseiller juridique explique que si Fred décède en premier, tous ses biens iront à Louise. Lorsque celle-ci décédera à son tour, tout sera distribué conformément au testament et aux désignations de bénéficiaires de Louise. Cela signifie que tout ira aux frères et sœurs de Louise, et qu’aucun des enfants de Fred ne recevra d’héritage. Si l’ordre des décès est inversé (c’est-à-dire si Louise meurt la première), Fred recevra tout, et à sa mort, leur patrimoine sera distribué selon le testament et les désignations de bénéficiaires de Fred. Dans ce cas, les enfants de Fred recevront tout et les frères et sœurs de Louise ne recevront rien.

Fred et Louise indiquent à leur conseiller juridique que ce n’est pas leur intention. Ils souhaitent plutôt, une fois qu’ils seront tous deux décédés, léguer 50 % de leur patrimoine restant aux enfants de Fred et 50 % aux frères et sœurs de Louise, quel que soit l’ordre de leur décès. Pour que leurs souhaits soient respectés, leurs testaments et les désignations des bénéficiaires devront prévoir un plan de distribution qui permette de les réaliser. Dans ce cas, ils demandent à leur conseiller juridique de préciser que si leur conjoint est décédé avant eux, la moitié de la succession restante à leur propre décès sera répartie à parts égales entre les enfants de Fred, et l’autre moitié sera transférée aux frères et sœurs de Louise. Ainsi, chaque groupe de bénéficiaires recevra une partie du patrimoine accumulé par Fred et Louise conformément à leurs souhaits, à condition que le conjoint survivant ne modifie pas son testament et les désignations des bénéficiaires avant son décès. Bien que Fred et Louise aient convenu d’un partage à parts égales, il est à noter que la répartition ne doit pas nécessairement être égale entre les différents groupes de bénéficiaires.

D’autres mécanismes sont disponibles pour garantir que la répartition finale du patrimoine de Fred et Louise se fasse conformément à leurs souhaits. Nous aborderons ce sujet plus en détail dans un prochain article sur la planification familiale pour les familles recomposées. Dans le cas présent, Fred et Louise indiquent à leur conseiller juridique qu’ils sont convaincus que l’autre ne modifiera pas leurs plans après le décès du premier conjoint.

Si Fred et Louise avaient consulté des conseillers juridiques distincts et n’avaient pas planifié leur succession ensemble, et s’ils n’avaient pas fait appel à un conseiller juridique expérimenté en planification successorale, alors (contrairement à leurs intentions) leur plan successoral aurait pu laisser les résultats au hasard, créant ainsi une « loterie des bénéficiaires » où l’ordre de leur décès aurait déterminé quels bénéficiaires recevraient un héritage substantiel et lesquels seraient laissés pour compte. Désormais, les deux groupes recevront leur part.

 

Je tiens à remercier tout particulièrement ma collègue Magali Dussault-Brodeur, experte-conseil en planification du patrimoine chez Clientèle privée Assante CI, pour son aide précieuse et son soutien indéfectible dans la préparation de chaque article de blogue.


À propos de l’auteur

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Valerie Markidis

En tant que conseillère en planification du patrimoine au sein du groupe de planification du patrimoine de Clientèle privée Assante CI, Valérie collabore étroitement avec notre équipe pour offrir des solutions à nos clients en matière de transfert intergénérationnel de patrimoine, en se concentrant sur la planification successorale. Valérie a rejoint CI Assante en 2022, avec à son actif 14 ans d’expérience au sein de deux grandes sociétés de fiducie, où elle était responsable à l’échelle nationale des testaments et soutenait activement les conseillers à travers le Canada concernant les questions et interprétations liées aux testaments, procurations et fiducies.

Avant de travailler pour les sociétés de fiducie, Valerie a exercé en cabinet privé, où les testaments et les successions constituaient l’un de ses principaux domaines d’activité.  Elle est avocate, titulaire d’un baccalauréat en droit de la Osgoode Hall Law School et d’un baccalauréat avec mention de l’Université Queen’s.