La prochaine vague dans les marchés émergents

Ce mois-ci, nous nous sommes entretenus avec Matthew Strauss, le gestionnaire de portefeuille de notre mandat portant sur les marchés émergents. M. Strauss possède plus de 25 ans d’expérience en placement et est un expert des actions mondiales et des marchés émergents.

Alfred Lam : Le marché américain a enregistré des performances exceptionnelles au cours de la dernière décennie, tandis que les marchés émergents ont accusé un retard. Pouvez-vous expliquer ce qui a conduit à ce résultat?

Matthew Strauss : Il ne fait aucun doute que les dix dernières années ont été marquées par l’exceptionnalisme et la surperformance des États-Unis. Au cours des premières années qui ont suivi la crise financière mondiale de 2008, les actions des marchés émergents ont continué à enregistrer des rendements supérieurs. Cependant, depuis 2013, les actions américaines du secteur des technologies et de l’Internet ont amorcé une décennie de rendement supérieur des actions américaines, attirant des capitaux venus des quatre coins du globe. En dehors des États-Unis, les marchés émergents ont surpassé le reste du monde pendant près de sept ans, entre 2016 et 2022, avant d’être frappés de plein fouet par deux événements. Premièrement, le principal marché des pays émergents, la Chine, a commencé à enregistrer des résultats médiocres en raison de difficultés économiques et réglementaires. Deuxièmement, nous avons assisté à la montée en puissance des trois « détracteurs macroéconomiques » de la performance des marchés émergents : la hausse des taux d’intérêt américains, la hausse de l’inflation aux États-Unis et l’appréciation du dollar. Par le passé, il était pratiquement impossible pour les marchés émergents d’afficher des rendements supérieurs lorsque ces trois facteurs macroéconomiques étaient réunis. Ces facteurs sont actuellement en train de se dissiper ou de se transformer en facteurs favorables pour les marchés émergents.

Alfred Lam : Les pays émergents tels que la Chine ont-ils un pouvoir de négociation face aux États-Unis dans cette « guerre tarifaire »? Y a-t-il un gagnant?

Matthew Strauss : Dans une guerre tarifaire mondiale, il n’y a que des gagnants relatifs, pas de gagnants absolus. La théorie économique et l’expérience passée suggèrent que l’augmentation des tarifs douaniers aura un impact négatif net sur les deux économies. Celui qui perdra le plus dépend des détails de l’accord final et du degré de « rigueur » des règles. Souvenez-vous qu’en 2018-2019, les fabricants chinois ont simplement réorganisé leurs chaînes d’approvisionnement afin d’inclure des centres de production dans des pays tiers afin de contourner en grande partie les tarifs douaniers.

En ce qui concerne le pouvoir de négociation, le fait que l’administration Trump ait déjà dû revenir sur bon nombre de ses menaces tarifaires suggère que la Chine et plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis pourraient avoir plus de pouvoir de négociation qu’on ne le pensait initialement, d’autant plus que la résistance intérieure américaine continue de s’amplifier face à l’impact négatif des tarifs douaniers sur le sentiment des consommateurs et des entreprises américains et, surtout, sur les sondages d’opinion.

Alfred Lam : Dans une perspective d’avenir, pourquoi devrait-on investir dans les marchés émergents?

Matthew Strauss : Croissance structurelle. Même en tenant compte d’un régime tarifaire plus contraignant, on s’attend à ce que les économies émergentes continuent de croître à long terme à un rythme deux fois supérieur à celui des marchés développés et trois fois supérieur à celui de l’Europe et du Japon. Une forte croissance entraîne une expansion de la classe moyenne, qui à son tour favorise la « montée en gamme » des consommateurs, un approfondissement des services financiers, une demande accrue de produits et services liés à la santé et un désir croissant pour des expériences de plus haut niveau. Tout cela crée des occasions intéressantes et croissantes pour les entreprises les mieux positionnées.

Alfred Lam : Dans l’univers des marchés émergents, quels sont les pays que vous privilégiez et pourquoi?

Matthew Strauss : Les pays qui affichent des données démographiques favorables et mettent en œuvre des réformes ou politiques économiques sont en tête de notre liste, mais il n’y a aujourd’hui que peu de cas « idéaux », dans la mesure où les gouvernements doivent trouver un équilibre entre les revendications sociales et la nécessité de croître dans un contexte mondial marqué par un ralentissement général. L’Inde et l’Argentine se distinguent à cet égard. L’Indonésie, la Chine et le Mexique présentent également un fort potentiel, mais suscitent plus de réticence, tant sur le plan démographique que politique. Au niveau sectoriel, Taïwan et la Corée du Sud figurent également sur notre liste, compte tenu de leurs industries technologiques exceptionnelles.

Alfred Lam : Pouvez-vous également nous donner des exemples de secteurs ou d’entreprises qui vous intéressent?

Matthew Strauss : La technologie, l’Internet et les logiciels figurent en tête de liste, compte tenu des avancées et des occasions de croissance dans ces secteurs. Taiwan Semiconductor Manufacturing (le principal fabricant de puces de pointe) et SK Hynix (le premier fabricant mondial de mémoire) illustrent l’excellence des entreprises technologiques des marchés émergents. Alibaba (Chine) et MercadoLibre (Amérique latine) ont surpassé Amazon sur leurs marchés domestiques.

Ailleurs, les entreprises des secteurs de la consommation, des soins de santé et des services financiers constituent des moyens clés d’investir dans les revenus et l’accumulation de richesse des ménages des marchés émergents. Maruti Suzuki, le fabricant de véhicules électriques BYD et Banorte en sont quelques exemples.

Alfred Lam : Pour finir, qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit?

Matthew Strauss : Toutes ces questions. Plus sérieusement, la politique et l’évolution des politiques publiques sont devenues des facteurs de rendement si importants, non seulement sur les marchés émergents, mais aussi sur les marchés développés, qu’il est difficile d’imaginer investir sur un marché sans avoir une vision macroéconomique éclairée. Combiner ces incertitudes macroéconomiques avec des entreprises de grande qualité et trouver le bon équilibre au sein d’un portefeuille est devenu de plus en plus difficile, car l’un (la politique) est devenu plus volatile tandis que l’autre (la gouvernance d’entreprise et la transparence des marchés émergents) continue de s’améliorer.

Alfred Lam : Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous parler, Matt!

Matthew Strauss : Avec plaisir.

À propos de l’auteur

Headshot of Alfred Lam


Alfred Lam, MBA, CFA

Vice-Président principal, co-chef des stratégies multi-actifs
Gestion d’actifs multiples CI

Alfred Lam, Vice-président principal et co-chef des stratégies multi-actifs, s’est joint à Gestion mondiale d’actifs CI (GMA CI) en 2004. Il apporte plus de 23 ans d’expérience dans le domaine en matière de construction de portefeuille, de répartition d’actifs et de gestion des risques, ce qui comprend la présidence du comité de gestion des investissements multi-actifs et l’évaluation d‘opportunités d’investissement pour générer une valeur ajoutée et gérer les risques. Alfred possède le titre de CFA et un MBA de la Schulich School of Business de l’Université York. Il est un chef de file reconnu en matière d’investissement multi-actifs au Canada. Au cours de son mandat, son équipe a remporté de nombreux prix d’investissement, y compris le meilleur fonds de fonds Morningstar, et a fait quadrupler ses actifs.

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ IMPORTANTS

Les opinions formulées dans ce document sont exclusivement celles du ou des auteurs et ne devraient pas être utilisées ni interprétées comme un conseil en placement ni comme un signe d’approbation ou une recommandation à l’égard des entités ou des titres dont il est question. Ce document est fourni à titre de source d’information générale et ne doit pas être considéré comme un conseil personnel, juridique, comptable, fiscal ou d’investissement, ni être interprété comme une approbation ou une recommandation d’une entité ou d’un titre dont il est question. Tous les efforts ont été déployés pour s’assurer que l’information contenue dans ce document était exacte au moment de sa publication. Les conditions du marché pourraient varier et par conséquent influer sur les renseignements contenus dans le présent document. Tous les graphiques et illustrations figurant dans le présent document sont fournis à titre illustratif seulement. Ils ne visent en aucun cas à prévoir ou extrapoler des résultats de placement. Nous recommandons aux particuliers de demander l’avis de professionnels, le cas échéant, au sujet d’un investissement précis. Les investisseurs devraient consulter leurs conseillers professionnels avant d’apporter tout changement à leurs stratégies d’investissement.

Certaines déclarations contenues dans le présent document constituent des déclarations prospectives. Les énoncés prospectifs sont des déclarations de nature prévisionnelle dépendant de conditions ou d’événements futurs ou s’y rapportant, ainsi que tout énoncé incluant des verbes comme « s’attendre », « prévoir », « anticiper », « viser », « entendre », « croire », « estimer », « évaluer », « être possible », « être d’avis » ou tout autre mot ou expression similaire. Les énoncés prospectifs qui ne constituent pas des faits historiques sont assujettis à un certain nombre de risques et d’incertitudes. Les résultats ou événements qui surviendront pourraient donc être substantiellement différents des énoncés prospectifs. Les énoncés prospectifs ne comportent aucune garantie de rendement futur. Ils sont, par définition, fondés sur de nombreuses hypothèses. Bien que les énoncés prospectifs contenus dans les présentes soient fondés sur des hypothèses que Gestion mondiale d’actifs CI et le gestionnaire de portefeuille considèrent comme raisonnables, ni Gestion mondiale d’actifs CI ni le gestionnaire de portefeuille ne peuvent garantir que les résultats obtenus seront conformes à ces énoncés prospectifs. Le lecteur est invité à examiner attentivement les énoncés prospectifs et à ne pas leur accorder une confiance excessive. La société ne s’engage aucunement à mettre à jour ou à réviser de tels énoncés prospectifs à la lumière de nouvelles données, d’événements futurs ou de tout autre facteur qui pourrait influer sur ces renseignements et décline toute responsabilité à cet égard, sauf si la loi l’exige.

Certains noms, mots, titres, phrases, logos, icônes, graphiques ou dessins dans ce document peuvent constituer des noms commerciaux, des marques déposées ou non déposées ou des marques de service de CI Investments Inc., de ses filiales ou de ses sociétés affiliées, utilisés avec autorisation. Toutes les autres marques appartiennent à leurs propriétaires respectifs et sont utilisées avec autorisation.

Certains énoncés contenus dans le présent document sont fondés entièrement ou en partie sur de l’information fournie par des tiers; Gestion mondiale d’actifs CI a pris des mesures raisonnables afin de s’assurer qu’ils sont exacts. Les conditions du marché pourraient varier et par conséquent influer sur les renseignements contenus dans le présent document.