Alpha d’actions canadiennes : résister aux vents contraires

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Ce mois-ci, nous nous sommes entretenus avec Kevin McSweeney, premier vice-président, gestionnaire de portefeuille et responsable de notre mandat Alpha d’actions canadiennes. Fort de plus de 25 ans d’expérience dans les services financiers, dont 17 ans en gestion d’actifs chez CI, Kevin est un expert des actions d’infrastructures canadiennes et mondiales.

Alfred Lam : Kevin, c’est un plaisir de vous accueillir parmi nous. Avant d’aborder les sujets liés à l’investissement, pouvez-vous nous raconter comment vous avez débuté dans ce secteur et ce qui vous a amené à devenir gestionnaire de portefeuille?

Kevin McSweeney :
J’avais obtenu un diplôme de premier cycle en sciences politiques et un MBA en finance avant de rejoindre le ministère des Finances Canada en tant qu’économiste. Le secteur public n’était pas fait pour moi, je me suis donc orienté vers Bay Street, auprès de la Banque Scotia, où je me suis occupé quelque temps de questions réglementaires et stratégiques, avant de passer à la gestion des risques liés aux prêts aux entreprises. J’ai beaucoup aimé cette expérience, mais je voulais quelque chose de plus dynamique et j’ai pensé que la gestion d’actifs (où je pouvais acheter et vendre, avec beaucoup de responsabilités) était un domaine qui correspondait bien à ma curiosité. J’ai donc commencé comme analyste en placement au sein du groupe des obligations à rendement élevé chez CI, avant de passer aux actions en 2016. Il n’y a rien de tel que la gestion d’actifs pour conjuguer un esprit curieux et une volonté d’assumer ses responsabilités auprès d’un bon mélange d'analystes aussi bien macroéconomiques que ceux spécialisés dans les entreprises. Obtenir de bons résultats est un enjeu sans fin, et cela me stimule.

Alfred Lam : Ce n’est un secret pour personne que l’économie canadienne et ses marchés boursiers ont sous-performé par rapport à ceux de notre voisin, les États-Unis. Pouvez-vous nous présenter certains des problèmes auxquels le Canada a été confronté au cours de la dernière décennie?

Kevin McSweeney :
Du point de vue économique et du marché boursier, la réponse générale est que le Canada n’a pas été un pays propice aux investissements en capital, et que les capitaux se sont dirigés vers des endroits où ils étaient mieux traités. C’était particulièrement le cas des États-Unis, qui non seulement ont investi davantage et gagné en productivité, mais ont également attiré des flux d’investissements mondiaux qui ont fait grimper la valorisation de leurs actions dans un cycle vertueux. Bien que le Canada compte relativement moins d’entreprises technologiques, cela n’explique pas entièrement la différence de performance. Les difficultés largement médiatisées liées à la réalisation de projets d’infrastructure, les taux d’imposition plus élevés pour les épargnants et l’exposition accrue aux ressources naturelles (où les gains de productivité sont inférieurs à ceux d’autres secteurs) se sont traduits par une baisse des gains de productivité dans notre économie. De plus, les taux d’imposition élevés sur le revenu et le capital ont eu un effet dissuasif sur la formation de capital, en réduisant directement la capacité de réinvestissement des épargnants, ainsi que sur la culture de l’innovation au Canada, qui considérait les créateurs de richesse comme des « preneurs » plutôt que comme des « créateurs » ou des « bâtisseurs ».

Alfred Lam : Cette dynamique a-t-elle changé récemment? Où voyez-vous actuellement de la valeur et des occasions au Canada?

Kevin McSweeney :
Je pense que la dynamique a changé, mais de façon marginale. La pression exercée par les États-Unis sur les tarifs douaniers a donné au Canada l’élan nécessaire pour investir de manière plus avisée et ne pas compter uniquement sur le commerce ou les exportations pour stimuler la croissance économique. (Le déclin de l’apport économique du secteur immobilier a également créé la nécessité de stimuler davantage l’investissement dans le secteur des entreprises.) Bien qu’il soit prometteur que le gouvernement Carney semble reconnaître les conséquences du sous-investissement sur le bien-être des Canadiens et que son discours soit constructif, nous avons besoin d’en voir davantage.

Pour ce qui est de la valeur, je dirais que nous voyons un peu moins de valeur sur le marché aujourd’hui qu’au début de l’année. Avant la récente hausse de la valeur de leurs actions, j’aurais mis en avant les banques canadiennes comme un secteur offrant des occasions et de la valeur, mais je pense qu’une grande partie de cette valeur a déjà été réalisée. Je dirais que le Chemin de fer Canadien Pacifique, CP, se négocie actuellement aux mêmes cours boursiers qu’il y a 4 ou 5 ans, nous avons donc augmenté notre position sur ce titre. Le cours de l’action de CP a été malmené par les inquiétudes commerciales, mais il s’agit d’une entreprise incroyable qui présente des perspectives à long terme prometteuses. Il existe également certaines entreprises de services publics et d’ingénierie qui, selon nous, devraient bénéficier de l’augmentation des investissements industriels au Canada et dans le monde entier, grâce à des tendances macroéconomiques telles que l’électrification, la décarbonisation, la délocalisation à proximité et l’intelligence artificielle.

Alfred Lam : Êtes-vous préoccupé par les entreprises canadiennes qui dépendent fortement du commerce avec les États-Unis? Comment voyez-vous l’impact de ces relations sur notre économie au cours des un à trois prochaines années?

Kevin McSweeney :
Absolument. Nous serons confrontés à des vents contraires économiques liés à la baisse des investissements des entreprises internationales et américaines au Canada (qui préféreront s’implanter aux États-Unis), ainsi qu’à la diminution des exportations et à la perte d’emplois dans les secteurs touchés. Pour moi, la question est la suivante : quelle sera la réponse du gouvernement canadien? Pas seulement à court terme pour ce qui est de la relance des investissements et des tarifs douaniers sectoriels, mais aussi sur la façon dont les négociations de l’ACEUM se dérouleront au cours de l’année à venir, avant l’éventuelle expiration de l’accord? Si le Canada parvient à négocier un accord à plus long terme avec l’administration Trump, même si cet accord est imparfait ou implique certaines concessions, je pense que nous pourrions assister à une amélioration de la confiance et à une accélération des investissements, ce qui serait une perspective hautement bénéfique pour les marchés. C’est loin d’être certain, mais je pense que les investisseurs n’envisagent même pas ce scénario positif potentiel.

Alfred Lam : En ce qui concerne le mandat Alpha d’actions canadiennes, quels sont les secteurs que vous privilégiez actuellement? Pourriez-vous nous présenter quelques investissements qui vous semblent particulièrement intéressants?

Kevin McSweeney :
Nous avons récemment augmenté certaines positions sur l’or, notamment dans des titres de sociétés aurifères à moyenne capitalisation qui achèvent leur transformation en entreprises solides qui génèrent des flux de trésorerie. IamGold et Equinox Gold ont été ajoutées, chacune ayant obtenu de bons résultats, et l’une de nos participations dans ce secteur a été rachetée: Sandstorm Gold. Nous voyons de plus en plus d’investisseurs se tourner vers ce secteur, car une discipline en matière de capital et une gestion professionnelle plus rigoureuses aident ces sociétés à renforcer leur « image de marque » auprès des investisseurs, un peu comme ce qui s’est produit dans le secteur de l’énergie il y a quelques années.

Parmi les nouvelles positions du Fonds alpha, je suis très optimiste à propos de Keyera, que nous avons ajoutée au portefeuille en juin dernier lorsqu’elle a levé des fonds pour acquérir certains actifs d’infrastructure énergétique auprès de Plains, un exploitant de pipelines américain. Keyera a obtenu de bons résultats et a utilisé ses actifs pour augmenter ses flux de trésorerie et ses dividendes grâce à un bilan très solide. Je ne pense pas que le marché mesure pleinement l’ampleur de la croissance que ces nouveaux actifs sont susceptibles d’apporter à Keyera. Et quand on pense à quel point il est long et difficile de construire au Canada, le fait qu’ils aient pu accroître leurs flux de trésorerie de près d’un tiers en une seule transaction, avec un risque d’exécution minimal, constitue une opération très solide que le marché ne reconnaît pas encore.

Alfred Lam : Bon nombre de nos investisseurs détiennent également des positions dans votre mandat d’infrastructures mondiales. Vous avez été l’un des premiers à promouvoir cette catégorie d’actifs. Êtes-vous toujours aussi enthousiaste à son sujet aujourd’hui et si oui, pourquoi?

Kevin McSweeney :
Mon enthouiasme pour notre mandat d'infrastructure mondiale ne faiblit aucunement. Les entreprises de ce fonds sont celles qui font fonctionner le reste de l’économie : les pipelines qui transportent le pétrole et le gaz, les services publics qui distribuent l’électricité et l’eau, les tours de télécommunications et les réseaux de fibre optique qui nous permettent d’utiliser les données, ainsi que les autoroutes à péage ou les aéroports qui facilitent nos déplacements dans nos villes et à travers le monde. Ce sont des entreprises très stables dont tout le monde aura toujours besoin, ce qui les rend un peu moins passionnantes, mais leur permet de continuer à créer de la valeur de manière régulière (notre fonds d’infrastructure n’a enregistré qu’une seule année de rendement négatif au cours des dix dernières années). Cette stabilité ne se traduit pas toujours par de fortes hausses du cours des actions, mais nous avons enregistré un rendement supérieur à 10 % cette année et notre valorisation reste inférieure à celle de nombreux grands indices boursiers mondiaux. Il n’est pas difficile d’aimer la stabilité de ces entreprises, la résilience des flux de trésorerie qu’elles génèrent et la possibilité d’acquérir ces actifs à un bon prix. Quand vous mettez tout cela ensemble, et permettez-moi cet oxymore, tout cela est très excitant pour ceux qui aiment les rendements ennuyeux.

Alfred Lam : Pour finir, qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit, en ce moment?

Kevin McSweeney :
À court terme, c’est la stabilité politique. J’ai grandi dans les années 80 et 90, une époque où la situation mondiale était généralement stable et en amélioration pendant la majeure partie de cette période. De nos jours, alors que les États-Unis se retirent du rôle de Pax Americana que beaucoup croyaient acquis pour toujours, le risque de chaos augmente considérablement.

Sur le long terme, c’est la démographie. Le monde vieillit, et même si c’est globalement une bonne nouvelle du point de vue de la longévité, il est plus facile pour les économies et les sociétés de prospérer lorsque la population est en croissance avec une composition démographique jeune et en bonne santé. Dans le monde développé et dans certains marchés émergents, il semble probable que de nombreuses populations vont décliner. Par exemple, la population chinoise devrait passer de 1,4 milliard à 800 millions d’habitants d’ici la fin du siècle. Pouvons-nous vraiment compter sur la Chine pour être un moteur de la croissance économique mondiale alors que sa population sera réduite de près de 40 %? Cela a des répercussions sur l’inflation, les produits de base, la stabilité et bien d’autres facteurs. Le vieillissement de la population pèse sur les sociétés en raison de l'augmentation des besoins en matière de soins de santé, de la baisse du taux d'activité et de l'augmentation des dépenses consacrées aux services sociaux et aux retraites pour la population en âge de travailler. L’humanité n’a jamais connu une pareille situation auparavant, il s’agit donc d’un risque énorme pour les économies et les sociétés.

Alfred Lam : Kevin, merci beaucoup d’avoir pris le temps de partager vos réflexions avec nous.

Kevin McSweeney :
Merci, Alfred. C’est toujours un plaisir de discuter avec vous.

À propos de l’auteur

Headshot of Alfred Lam


Alfred Lam, MBA, CFA

Vice-Président principal, co-chef des stratégies multi-actifs
Gestion d’actifs multiples CI

Alfred Lam, Vice-président principal et co-chef des stratégies multi-actifs, s’est joint à Gestion mondiale d’actifs CI (GMA CI) en 2004. Il apporte plus de 23 ans d’expérience dans le domaine en matière de construction de portefeuille, de répartition d’actifs et de gestion des risques, ce qui comprend la présidence du comité de gestion des investissements multi-actifs et l’évaluation d‘opportunités d’investissement pour générer une valeur ajoutée et gérer les risques. Alfred possède le titre de CFA et un MBA de la Schulich School of Business de l’Université York. Il est un chef de file reconnu en matière d’investissement multi-actifs au Canada. Au cours de son mandat, son équipe a remporté de nombreux prix d’investissement, y compris le meilleur fonds de fonds Morningstar, et a fait quadrupler ses actifs.

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