18 juin 2025
Article 899 proposé et investissements canadiens en cours dans des titres américains

Dans le cadre du projet de loi omnibus républicain intitulé « The One, Big, Beautiful Bill », l’article 899 proposé de l’Internal Revenue Code (le « Code »), intitulé « Enforcement of Remedies against Unfair Foreign Taxes », pourrait entraîner une hausse des taux d’imposition américains applicables à certaines personnes non américaines, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entités.
L’article 899 proposé du Code créerait un nouveau régime fiscal visant les résidents de « pays étrangers discriminatoires » (« discriminatory foreign countries ») qui imposent des « taxes étrangères injustes » (« unfair foreign taxes ») aux personnes américaines, telle que la Loi sur la taxe sur les services numériques au Canada.
Les taxes étrangères injustes englobent généralement les taxes imposées en vertu des règles relatives aux profits insuffisamment imposés dans le cadre du Pilier Deux de l’OCDE, les taxes sur les services numériques, les taxes sur les profits détournés, ainsi que d’autres formes d’imposition « dont l’objectif public ou déclaré indique que la taxe sera supportée économiquement, directement ou indirectement, de manière disproportionnée par des personnes américaines ».
L’article 899 du Code propose des taux d’imposition plus élevés sur certains revenus de source américaine perçus par des entités et des particuliers étrangers déterminés. Ces « personnes concernées » comprennent :
- tout gouvernement d’un « pays étranger discriminatoire » (« discriminatory foreign country » tel que défini à l’article 892 du Code) ;
- toute personne physique (autre qu’un citoyen américain ou une personne américaine) résidant fiscalement dans un « pays étranger discriminatoire » ;
- les sociétés étrangères (à l’exception de celles majoritairement détenues par des personnes américaines) situées dans un « pays étranger discriminatoire » ;
- les fondations privées constituées dans un « pays étranger discriminatoire » ;
- les sociétés étrangères non cotées en bourse dont les personnes concernées contrôlent plus de 50 % des actions ;
- les fiducies ou entités similaires dont la propriété effective est détenue majoritairement par des personnes concernées ;
- les partenariats, succursales ou autres entités étrangers liées à un « pays étranger discriminatoire » tel que déterminé par le secrétaire.
Un « pays étranger discriminatoire » peut être défini comme un pays qui impose des « taxes étrangères injustes », notamment :
- Des règles relatives aux profits insuffisamment imposés (RPII) – Imposition des entreprises mondiales en fonction de l’endroit où leurs profits sont considérés comme insuffisamment imposés.
- Des taxes sur les services numériques (TSN) – Prélèvements sur les revenus provenant des services en ligne et des entreprises numériques.
- Des taxes sur les profits détournés (TPD) – Ciblant les entreprises considérées comme transférant leurs profits à l’étranger.
En outre, la définition de « taxes étrangères injustes » inclut certaines taxes extraterritoriales ou discriminatoires, mais uniquement dans la mesure prévue par le secrétaire.
Bien que le Canada n’ait pas été expressément mentionné comme ayant mis en place des RPII ou des TPD, la Maison-Blanche a déjà ouligné que le Canada fait partie des pays ayant une TSN.
Essentiellement, cette mesure semble avoir pour objectif de contraindre les autres pays à abroger leurs « taxes étrangères injustes », à créer une exception pour les personnes américaines ou à faire l’objet d’une imposition plus élevée aux États-Unis en guise de réponse.
La Convention entre le Canada et les États-Unis en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (la « Convention fiscale ») fixe, dans la plupart des cas, un taux de retenue à la source de 15 % sur les revenus de placement tirés d’investissements américains et versés à des contribuables canadiens. Par exemple, le taux de retenue d’impôt applicable aux particuliers est réduit de 30 % à 15 % dans certains types de comptes, tels qu’un compte non enregistré, un compte d’épargne libre d’impôt ou un compte d’épargne pour l’achat d’une première propriété.
Si le projet de loi contenant l’article 899 proposé du Code était adopté dans sa forme actuelle, on estime qu’il viendrait largement supplanter la Convention fiscale. Cela rendrait finalement moins intéressant de détenir des actions américaines versant des dividendes, car le rendement après impôt serait réduit par l’augmentation des impôts retenus par les États-Unis.
Pour les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), la retenue d’impôt est réduite à 0 %. Les entreprises canadiennes bénéficient également d’un avantage lorsqu’elles perçoivent des dividendes de leurs filiales américaines. Actuellement, le taux de retenue d’impôt qu’elles paient est de 5 %.
L’article 899 proposé du Code prévoit que la retenue d’impôt applicable aux particuliers et aux entreprises augmenterait de 5 % par an jusqu’à ce que le taux atteigne 20 % au-dessus du taux légal de 30 %.
Pour les sociétés canadiennes qui sont actuellement assujetties à une retenue d’impôt de 5 % sur les dividendes versés par leurs filiales américaines, ce taux pourrait augmenter de cinq points de pourcentage chaque année en vertu de l’article 899 du Code,jusqu’à atteindre 50 %.
Pour les particuliers canadiens, qui sont actuellement assujettis à une retenue d’impôt de 15 % sur les titres américains en général, cette retenue pourrait également augmenter de 5 % par an pour atteindre 50 % au fil du temps si la disposition est adoptée et si ces « taxes étrangères injustes » canadiennes restent en vigueur.
Bien que les taux marginaux d’imposition des particuliers au Canada ne soient pas directement touchés par l’article 899 proposé du Code, les taux d’imposition effectifs globaux des contribuables pourraient changer.
Le crédit pour impôt étranger (« CIE ») du Canada vise à réduire la double imposition en permettant de déduire le montant de l’impôt déjà payé aux États-Unis.
En termes simples, la formule prend en compte l’ensemble de l’impôt canadien sur le revenu mondial et répartit proportionnellement la part américaine du revenu à traiter comme un crédit pour impôt étranger (représentant la part censée avoir déjà été payée aux États-Unis). Une question importante demeure : les impôts prévus à l’article 899 proposé du Code constituent-ils un impôt sur le revenu ou un impôt sur les profits? Cela pourrait avoir une incidence sur l’applicabilité du CIE.
Les contribuables canadiens peuvent avoir la possibilité d’utiliser le paragraphe 20(11) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») relative à la déduction pour impôt étranger excédentaire versé à titre d’« autres déductions » à la ligne 23200 de leur déclaration de revenus, afin de tenir compte du solde de l’impôt étranger payé (qui n’est pas suffisamment réduit par la formule de la CIE) afin d’atténuer l’impôt à payer.
Une déduction prévue au paragraphe 20(12) de la LIR peut également offrir une certaine marge de manœuvre pour déclarer l’incidence totale des impôts étrangers payés (en raison de l’application potentielle de l’article 899 du Code) dans la déclaration de revenus canadienne, afin de réduire l’impôt canadien à payer à l’égard des impôts déjà acquittés aux États-Unis.
Ces deux options doivent être clarifiées dans la réponse du Canada au projet de loi et confirmées dans chaque cas par un comptable fiscaliste et/ou un avocat spécialisé en fiscalité.
En fin de compte, il reste de nombreux facteurs importants à prendre en compte et ceux-ci auront une incidence considérable sur les mesures que les investisseurs pourraient songer à prendre :
- Le nouvel article 899 de l’IRC sera-t-il adopté tel qu’il est actuellement rédigé, sera-t-il complètement supprimé ou sera-t-il considérablement modifié?
- La Convention fiscale aura-t-elle finalement une incidence sur la version finale (si elle est adoptée) ou sera-t-elle remplacée?
- Le Canada jugera-t-il nécessaire de modifier ses règles relatives au CIE ou d’adopter d’autres mesures législatives d’allègement afin d’inclure clairement toute taxe potentielle payée par les Canadiens en vertu de l’article 899 proposé du Code, y compris toute modification nécessaire visant à clarifier les règles relatives au CIE?
- Le Canada sera-t-il exempté de l’application de cette mesure en vertu d’un accord, renoncera-t-il à toute « taxe étrangère injuste » telle que définie dans le projet de loi, ou créera-t-il des exceptions complexes pour les personnes et les entités américaines?
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Sources:
Sources principals:
https://www.congress.gov/bill/119th-congress/house-bill/1/text (Disponible en anglais seulement.)
https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/i-3.3/
https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/programmes/politique-impot/conventions-fiscales/pays/etats-unis-amerique-convention-refonte-1980-1983-1984-1995-1997.html
Sources secondaires:
https://globaltaxnews.ey.com/news/2025-1172-united-states-proposed-irc-section-899-would-affect-certain-asset-management-entities (Disponible en anglais seulement.)
https://www.davispolk.com/insights/client-update/house-tax-bill-proposes-increase-us-taxes-non-us-individuals-and-may-2025 (Disponible en anglais seulement.)
https://rsmus.com/insights/tax-alerts/2025/house-tax-bill-aims-to-counter-unfair-foreign-taxes-on-us-investments.html (Disponible en anglais seulement.)
https://www.wealthprofessional.ca/news/industry-news/trumps-new-bill-builds-a-bigger-tax-burden-for-canadian-portfolios/389236 (Disponible en anglais seulement.)
About the Author
Matt is a tax specialist and an estate planning lawyer called to the bar of Alberta in 2013. He specializes in post-mortem tax and estate planning, as well as tax planning for trusts and owner-managed businesses. Matt is a member of the Society of Trust and Estate Practitioners (STEP), holding the TEP designation, has completed Levels 1-3 of the CPA Canada In-depth Tax Program, and is a member of the Canadian Tax Foundation (CTF). Prior to joining CI, Matt worked in the tax and estate groups at regional and national law firms, as well as a tax boutique firm. Matt also acquired in-house legal experience at one of Canada’s largest trust companies, where he provided internal legal advice, and estate and trust planning guidance to clients, advisors, and trust officers.
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